In Ipsos
3 juin 2010 - La sixième édition de l’observatoire des retraites Ipsos/UMR, réalisée en partenariat avec Liaisons sociales et Protection Sociale Informations, montre que Les Français sont toujours aussi inquiets à l’égard de leur retraite et soucieux d’assurer celle de leurs enfants. Convaincus de la gravité du problème de financement et de l’urgence qu’il y a à s’en préoccuper, la réforme qui pourrait être mise en œuvre ne saurait selon eux s’articuler autour de la seule question du recul de l’âge de départ en retraite ou de l’allongement de la durée de cotisation, mesures qui sont loin d’avoir leur préférence. Elle doit prendre en compte les questions relatives à la pénibilité du travail et à l’emploi des séniors et concerner également les entreprises, le secteur public et les personnes ayant les revenus les plus élevés.
Les Français se montrent toujours préoccupés par leurs conditions de vie au moment de leur retraite. Si leur santé et l’accès au soin à ce moment de leur vie ainsi que leur capacité à vivre de façon indépendante sont des sources de préoccupation importantes (54% se disent soucieux sur ces sujets, sans évolution majeure depuis la dernière vague), c’est essentiellement leur niveau de vie qui les inquiète, et ce de manière encore plus prononcée qu’en novembre dernier : 70% expriment leur crainte sur ce sujet (+3 points) et 78% (stable) se montrent inquiets quant au montant de leur retraite. Ces résultats confirment les enseignements des deux précédentes vagues et mettent en relief l’inquiétude massive des Français sur ce sujet qui, loin se s’amenuiser, reste à un haut niveau mois après mois. L’inquiétude est toujours plus marquée chez les femmes (75% se montrent notamment préoccupées à l’égard de leur futur niveau de vie, contre 64% des hommes) et les actifs (77% expriment la même inquiétude sur ce sujet). Mais les retraités, s’ils se montrent plus sereins que la moyenne, sont également gagnés par une inquiétude grandissante : c’était l’un des enseignements majeurs de la dernière vague et les résultats de ce mois-ci confirment cette tendance. Ainsi, ce sont désormais près de deux retraités sur trois qui se disent inquiets quant à leur niveau de vie (63% ; +6 points depuis novembre et +14 points depuis avril 2009).
Le financement des retraites : un problème grave qu’il faut régler urgemment
Dans ce contexte de forte inquiétude, le financement des retraites dans les décennies à venir n’est considéré par personne ou presque comme un sujet mineur et peu préoccupant. Si un quart (23%) estime qu’on a le temps de le régler, la très grande majorité des Français (73%) considère qu’il s’agit d’un problème grave qu’il faut régler d’urgence. L’argument selon lequel le problème serait exagéré ne porte donc guère dans l’opinion, et ce quel que soit le profil des interviewés. Ce sentiment est très certainement dû à l’inquiétude que les Français éprouvent à l’égard de leur propre retraite, mais aussi à leur crainte de voir leurs enfants ne plus pouvoir du tout bénéficier du système. Ainsi, parmi les différents arguments testés sur la réforme des retraites, celui qui recueille le plus large assentiment a trait à la nécessité de continuer à réformer le système « afin d’assurer les retraites de ses enfants » (85% sont d’accord avec cette affirmation, dont 44% qui le sont même « tout à fait »). La faible confiance sur la survie du système actuel à long terme s’illustre également par le fait qu’une très large majorité de Français (72%) considère qu’il faut développer l’épargne retraite individuelle ou d’entreprise.
Une réforme qui doit prendre en compte le problème de la pénibilité du travail et de l’emploi des séniors…
Les Français se montrent assez peu réceptifs aux arguments démographiques ou internationaux pour justifier une réforme des retraites. L’affirmation selon laquelle l’espérance de vie augmente et qu’il est donc normal de travailler plus longtemps suscite la désapprobation de la majorité des Français (56%), même si à l’inverse 42% sont d’accord avec cet argument – et notamment les personnes de plus de 60 ans, les cadres, les personnes issues des catégories sociales aisées ou les sympathisants UMP. De même, le fait que l’âge légal de départ en retraite soit plus élevé dans d’autres pays européens et qu’il ne serait donc pas choquant de l’élever aussi en France suscite le désaccord de 53% des Français, contre 46% qui sont de l’avis inverse – avec là encore une adhésion plus importante des personnes de 60 ans et plus, des catégories sociales aisées et des sympathisants UMP. Mais les Français se montrent également peu réceptifs à certains arguments défendus par l’opposition ou certains syndicats, et notamment celui consistant à dire qu’avec cette réforme, « on va faire payer aux salariés la crise financière » (seuls 38% sont d’accord, et même parmi les sympathisants de gauche, l’approbation est minoritaire – 46%). L’affirmation selon laquelle « avec cette réforme, le Gouvernement cherche à revenir sur des acquis sociaux » séduit davantage de personnes (57%).
En revanche, certains arguments suscitent une adhésion beaucoup plus massive et sont révélateurs de ce qu’attendent véritablement les Français de cette réforme. Ainsi, pour 81% d’entre eux, cela ne sert à rien de réformer les retraites si on ne règle pas le problème de l’emploi des séniors et de la pénibilité du travail, près de la moitié (47%) indiquant même être « tout à fait » d’accord avec cette affirmation. C’est pour eux un pré-requis indispensable. Cela montre l’importance de cet argument pour les Français et témoigne de leur attachement à une réforme qui prenne en compte les spécificités de certains métiers et de certaines situations. Cet argument est d’ailleurs mis en avant avec une intensité particulière par les ouvriers (56% sont « tout à fait d’accord »).
… et impliquer les entreprises, le secteur public et les personnes disposant de hauts revenus
Les trois mesures que les Français préfèreraient le plus voir adoptées en cas de réforme sont, quasiment à égalité : le rapprochement des modes de calcul des retraites entre secteur public et secteur privé (36%), la taxation des profits des entreprises (34%) et la création d’une contribution spécifique sur le patrimoine des plus aisés (34%). Le fait d’inclure dans les cotisations retraite les éléments de rémunération qui ne sont actuellement pas pris en compte comme les primes ou la participation est cité par 26% des Français, les autres mesures sont plus en retrait, qu’il s’agisse de l’augmentation des cotisations retraite (14%), du recul de l’âge de départ en retraite (14%), de l’allongement de la durée de cotisation (13%) ou de l’instauration d’une incitation fiscale pour favoriser la cotisation à des régime d’épargne-retraite (11%). La diminution du montant des retraites clôt cette hiérarchie (3%), cette mesure étant unanimement rejetée.
Ce trio de tête est le même dans la plupart des catégories de populations, à l’exception des retraités, qui privilégient l’élargissement de l’assiette de cotisations à la taxation des profits des entreprises, et des salariés du secteur public qui, logiquement, préfèrent l’élargissement de l’assiette des cotisations au rapprochement du mode de calcul entre secteurs. Notons également quelques différences d’appréciation selon le profil des interviewés : les plus jeunes semblent un peu plus enclins à accepter un allongement de la durée de cotisation (22% préfèreraient que cette mesure soit adoptée, contre 13% en moyenne).